1. Historiquement, les femmes ont été présentes à toutes les étapes de développement du numérique.
Pour commencer, petit tour du côté de l’histoire. La GEN, la grande Ecole du numérique, nous rappelle que jusque dans les années 70, les femmes sont majoritaires dans les effectifs du secteur informatique. Voici quelques-unes des nombreuses femmes qui ont joué des rôles clé dans le développement du numérique :
- Ada Lovelace est l’une des plus célèbres. Elle est connue pour avoir créé le premier programme informatique de l’histoire, en travaillant sur la machine à calculer de Charles Babbage.
- Talent du numérique, nous apprend notamment qu’en 1941, en pleine Seconde Guerre mondiale, Hedy Lamarr et George Antheil ont développé un système de communication qui permettait le changement de fréquence des torpilles sous-marine sans être détectable. Ce système nous rend service quotidiennement puisqu’il est utilisé dans les liaisons wifi et Bluetooth.
- Nous devons aussi la programmation de l’un des premiers ordinateurs de l’histoire, à un groupe de six femmes appelées les «ENIAC six» en référence au nom de cet ordinateur.
- De même, lorsque le numérique est entré dans l’air du divertissement, les femmes étaient une nouvelle fois présentes. Nous devons par exemple à Roberta Williams la conception du premier jeu d’aventure graphique, Mystery House, sorti en 1980
2. Aujourd’hui, les femmes sont sous représentées à tous les niveaux dans le numérique.
A partir des années 70, la tendance s’inverse et la proportion de femmes dans les métiers du numérique commence à diminuer. La situation actuelle, bien qu’historiquement paradoxale, est nette :
- Au niveau sectoriel : Les femmes ne représentent que 30 % des salariés du secteur, d’après l’association Femmes@Numérique.
- Dans les études : En 2021, les femmes représentaient 22,7% des étudiants des établissements membres de Talents du Numérique à niveau Bac+5.
- Dans les postes de management et de direction du secteur : Les femmes représentent seulement 13% des effectifs de management dans les entreprises technologiques de la Silicon Valley, d’après L’école du numérique.
- Dans l’entrepreneuriat Tech : Les femmes représentent 7% des entrepreneuses dans la Tech, d’après la même école.
Pourtant, une fois acquises les connaissances et les compétences requises pour y travailler, le secteur peut accueillir tout type de profils. Le SASB, une ONG travaillant sur la matérialité des sujets de développement durable en fonction des secteurs de l’économie, identifie même le numérique comme un secteur particulièrement bien positionné pour favoriser la diversité (pas uniquement de genre) et l’inclusion.
Dans ce contexte, les entreprises, et notamment les ESN sont nombreuses à mettre en place des politiques de diversité et d’inclusion. L’une des actions phares de ces politiques est la mise en place de formations permettant de comprendre les biais inconscients de notre cerveau nous incitant à la discrimination et les reconnaître. Ces formations sont dispensées à tous les collaborateurs et, afin d’en augmenter l’impact positif, il existe des versions de ces formations destinées au management et aux services de recrutement.
3. Il est urgent de concevoir des technologies qui prennent davantage en compte les femmes.
Un autre enjeu primordial pour les femmes dans la Tech se trouve dans la conception et dans le design même des applications et services du numérique. Ces applications et services doivent être conçus pour prendre en compte équitablement les êtres humains, afin de ne pas perpétuer de discrimination.
Cela paraît évident, mais le numérique, et encore plus depuis l’arrivée de l’Intelligence Artificielle, se base sur de l’existant pour développer de nouvelles fonctionnalités. Or, l’existant correspond à une société loin d’être égalitaire et de prendre systématiquement en compte les femmes dans le design des technologies.
Virginie Julliard, professeure à la Sorbonne, en sciences de l’information et de la communication et spécialiste des questions de genre, illustre cette problématique ainsi :
« Prenons l’exemple, très médiatisé, d’une grande entreprise d’ingénierie qui s’est appuyée sur l’intelligence artificielle pour recruter ses futurs collaborateurs. Pour entraîner l’algorithme, les concepteurs lui ont fourni les CV des personnes recrutées depuis plusieurs décennies. Comme la très grande majorité des personnes étaient des hommes, l’algorithme a intégré que le genre était une variable discriminante pour le recrutement et a écarté systématiquement les femmes. C’est ce que l’on appelle un biais de sélection des données d’apprentissage. Les concepteurs n’avaient pas conscience du caractère genré de l’accès à certains métiers, et n’ont donc pas paramétré l’algorithme pour tenir compte de ce biais historique. »
Les exemples dans ce genre sont nombreux et mettent en lumière que la construction sociale des technologies est genrée. Dans ce contexte, et pour lutter contre les discriminations de genre dans le numérique, il est nécessaire de sensibiliser sur le sujet et d’améliorer la représentation des femmes dans le secteur à tous les niveaux de responsabilités et dans toutes les spécialités.
4. La Tech peut se mettre au service des femmes.
Les nouvelles technologies sont à l’origine d’innombrables applications et de produits visant à nous rendre service. Si leur bien-fondé n’est pas systématiquement avéré. Il reste évident que le numérique peut améliorer la vie des femmes, et même leur permettre de lutter contre les discriminations qu’elles subissent.
La meilleure illustration en la matière est l’émergence et la croissance de ce qu’on appelle la FemTech. FemTech, désigne « l’ensemble des technologies, produits et services innovants dédiés à la santé des femmes : objets connectés, applications mobiles, logiciels de santé, plateformes éducatives, etc. » , nous indique Bigmedia, le média de la BPI. Ce marché en forte croissance représentera 50 à 70 milliards d’ici à 2025 et on lui prédit une croissance de plus de 15% par an, d’ici à 2027.
Le cabinet de conseil Wavestone, qui a publié une étude sur le sujet, nous rappelle que « cela fait seulement 30 ans qu’il est obligatoire d’inclure les femmes dans les essais cliniques ». Le retard accumulé dans les soins apportés aux femmes est immense et les technologies du numérique vont aider à combler ce retard. Santé générale au féminin, bien être féminin, santé reproductive, santé menstruelle, longévité, etc : le secteur de la FemTech a de quoi faire. La FemTech illustre ce que le numérique peut faire de mieux et cerise sur le gâteau, elle fait mentir les statistiques de l’entrepreneuriat féminin dans le numérique. En effet, 96% des start-ups du secteur ont été (co)fondées par des femmes, toujours d’après Wavestone.
Auteur : Mathilde THOMAS – Consultante RSE